
Cet article s’inscrit dans une série visant à décrire les transformations que nous tentons de mener à la 27e Région pour cultiver ce qui fait, nous semble-t-il, notre force et notre utilité : le développement des compétences, des capacités et des ressources transformatrices au sein des organisations publiques; la création et l’animation dans la durée de coalitions réunissant des collectivités, des acteurs privés et des chercheurs de différents territoires, pour les faire progresser ensemble autour d’un problème public; la mobilisation de collectifs pluridisciplinaires articulant recherche et action, pour traiter des enjeux toujours plus complexes et produire une connaissance opérationnelle.
Mais au fait, quand on parle de formation à la 27e Région, on parle de qui, et de quoi ?
De qui ? D’agents publics, d’une part : agents doubles, complices, ambassadeurs et ambassadrices… Nous avons un répertoire fleuri de mots doux pour désigner les agents qui forment aujourd’hui une communauté d’apprentissage mutuel, croisant la route de nos webinaires, nos blogs, nos programmes (ou nos fêtes) ! De designers d’autre part, puisque la 27e Région a constitué un banc test pour les nombreux.se.s designers qui ont traversé notre équipe et nos projets…
De quoi ? La formation prend différentes formes, toujours collectives, dans nombre de nos programmes : par le faire, dans la plupart de nos programmes qui permettent aux agents de tester une approche de design des politiques publiques ; par la mise en perspective, le dialogue entre théories et pratiques, le test d’outils dans les Labonautes ou Repousser les frontières de l’innovation dans le secteur public par exemple ; par le pas de côté, en particulier lorsqu’il s’agit d’aller explorer dans d’autres territoire, en France ou l’étranger, de nouvelles approches ou projets, comme dans Enacting the commons ou très bientôt autour des enjeux de justice environnementale) ;
A la 27e Région, nous tentons de dé-construire l’idée traditionnelle de formation pour inventer d’autres formes d’apprentissage. Mais nous voyons aussi la formation comme un écosystème dans lequel nous devons trouver notre place pour contribuer à améliorer le niveau des compétences en transformation dans le secteur public.
Entre recherche participative et formation-action
Nous arpentons depuis nos débuts le fil tendu entre recherche participative et formation action. Assez vite à la suite de notre premier programme, Territoires en résidence, qui visait à vérifier la pertinence du design pour améliorer la fabrique de services et politiques publiques locales aussi diverses que les mobilités, la lecture publique ou l’éducation, la question de « faire école » s’est posée. En effet, il a donné envie à des collectivités de plus en plus nombreuses, après les avoir testées, d’internaliser ces compétences. C’est ce qui a sous-tendu la naissance du programme La Transfo, une démarche expérimentale d’un an et demi pour faire émerger, au sein d’une dizaine de collectivités, des labos d’innovation publique, et ainsi internaliser des compétences d’innovation par les usages, d’expérimentation, de recherche action et de design.
Aujourd’hui, dans l’ensemble de nos programmes nous faisons le choix de travailler avec les agents concernés (des agents en charge des finances dans Nouvelles mesures, du développement économique dans Rebonds, de la politique de la ville dans Nouveaux accords, etc.), de traverser avec elles et eux les phases d’enquête, de formulation d’hypothèses et de scénarios, puis, en fonction des programmes, de conduite de tests, d’évaluation et de documentation.
Cette trajectoire nous a permis de clarifier notre positionnement et nos partis pris : le compagnonnage avec nos adhérents pour construire des capacités en interne (et non un apport de prestations) ; des démarches portées par les agents concernés, de tous métiers et catégories, de manière distribuée (et non une approche d’expert.e) ; un apprentissage par le faire et par les pair.e.s, en partant des ressources et des compétences internes (et non une externalisation).
Des ressources à la pelle, et quelques expériences…
Au fil du temps, nous avons également produit de nombreuses ressources pour la communauté : par exemple en codifiant les compétences d’innovation publique, dans le nuancier de formation ; en produisant des repères communs, comme les matrices de montée en maturité, ou encore sonar ; et bien sûr en documentant nos démarches ou questionnements, en open source, sur notre blog ou ceux d’autres organisations, comme dans cette récente contribution à l’Ecole du terrain. Nous sommes également au conseil scientifique de plusieurs formations en design de politiques publiques : A Nantes, à Nîmes, à Lyon, mais aussi à New York City, pour Parsons School.
Nous avons enfin porté des programmes de formation, comme le cycle Réenchantez l’action publique, les aventuriers de l’innovation publique, ou les Journées découvertes, qui ont offert à près de 400 agents une plongée initiale dans le continent du design des politiques publiques (et une première rencontre ensemble) ; nous y avons cependant mis en terme lorsqu’ils ne nous semblaient plus s’inscrire dans l’approche de recherche action qui fait notre ADN, tout en essayant d’en transmettre et partager les principes et méthodes à des professionnel.e.s intéressé.e.s par ces démarches.
Parmi les approches plus expérimentales du sujet :
- (Dé)formations, qui s’intéressait à la formation des élu.e.s à la transition, et a permis de pointer l’inadéquation entre une formation des élu.e.s calquée sur la formation professionnelle (pensée de manière individuelle, en silos, etc.) et les besoins, et de produire plusieurs dispositifs légers d’apprentissage qui ont inspiré des acteurs aussi divers que l’Institut Paris Région, l’ANCT, ou plusieurs collectivités.
- L’École buissonnière, un programme malheureusement resté dans les cartons, qui cherche à répondre au besoin de formation croisée entre des étudiant.e.s aux profils de designers, de politistes ou d’ingénieur.e.s.
- La formation des développeur.euse.s économiques dont nous explorons, avec le CNAM et Intercommunalités de France, comment la repenser pour mieux intégrer les enjeux de transition écologique et sociale.
Nos regrets, nos chantiers…
Quid de nos relations avec les organismes de formation proprement dits ? Côté formation des agents, malgré des échanges réguliers depuis plus de 15 ans, nous n’avons pas (encore) réussi à bâtir des synergies fortes et durables avec des acteurs comme le CNFPT ou l’INET, ni, côté design, avec des écoles ou des universités.
Comment mieux structurer la dimension pédagogique de nos programmes ? Si nos réflexions sur l’évaluation, la coopération, la systémie nous aident à être plus intentionnels dans la manière dont nous dessinons la forme de nos programmes et le parcours des participant.e.s, nous nous interrogeons sur la manière dont nous pourrions donner une vie plus longue à nos programme en en partageant les enseignements sous la forme de sessions de formation. Nous testons l’idée actuellement sur Rebonds et Nouvelles mesures, n’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez en savoir plus !
Aujourd’hui, après toutes ces années, nous constatons la persistance d’un décalage entre l’état des connaissances en innovation publique, ce qui est enseigné dans les lieux de formation, et les besoins de terrain dans les collectivités et administration. La plupart des agents ne possèdent pas les compétences pour traiter des problèmes écologiques, économiques et sociaux toujours plus complexes, dans un contexte de forte incertitude. La plupart des enseignements se concentrent sur quelques dimensions méthodologiques mais négligent les questions stratégiques et politiques.
C’est pourquoi nous portons La Synchro, un nouveau programme mené en partenariat avec le CNFPT, avec l’appui de la DITP et en lien avec l’Observatoire de l’Innovation dans le secteur public (OCDE), destiné à re-synchroniser les chercheurs, les praticiens et les concepteurs de formation à l’innovation publique. L’objectif est d’expérimenter un espace protégé pour aider les personnes en charge de concevoir les démarches d’innovation à consolider leur pratiques, reconnecter leurs problématiques concrètes aux théories et méthodes de traitement de la complexité, contribuer à une démarche de co-apprentissage et à la production de ressources collectives. Pour en savoir plus, c’est par là !
