Portraits de laboratoires d’innovation: comment fonctionnent les innovation teams?

Posted on 7 novembre 2017 par Sylvine Bois-Choussy
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Dans le cadre du partenariat noué depuis un an entre la 27e région, La Transfo et le programme i-teams de la Fondation Bloomberg, nous avons eu l’occasion de rencontrer nos collègues des Innovation Teams qui, dans 25 villes américaines, canadiennes, israéliennes, construisent et animent des laboratoires d’innovation. D’autres articles évoquent les méthodes de ces labos, les projets qu’ils conduisent, regardons ici leur organisation et les métiers qu’ils convoquent.

 

S’organiser pour apporter des réponses aux grands défis du maire et de sa ville

En termes de gouvernance, les labos créés dans le cadre du programme et du financement de la fondation Bloomberg sont directement rattachés au maire de la ville ; c’est lui qui choisit d’engager sa ville dans une candidature au programme et porte celle-ci. C’est également le maire et son cabinet qui définissent, avec l’équipe, les 2 ou 3 thèmes de travail auxquels l’équipe s’attaquera, qui sont aussi des grandes priorités de sa mandature. L’équipe d’innovation rapporte donc directement auprès de lui, ainsi qu’envers les habitants, pour lesquels elle doit produire des résultats visibles, tangibles, mesurables. Les services municipaux sont associés, en fonction du thème, à la menée du travail. La bourse de la fondation permet de recruter l’équipe d’innovation ; le financement en est assuré par une bourse de la fondation, complétée par la municipalité. A la fin du programme, il revient à cette dernière la responsabilité d’assurer la pérennité de l’équipe et du laboratoire.

La stratégie des équipes i-teams est de s’attaquer, durant les trois ans du programme, à deux ou trois grandes questions, pour lesquelles elles proposeront un portefeuille de réponses de court, moyen et long terme. Elles cherchent ainsi, par ce travail en profondeur, à se donner les moyens d’aborder les enjeux complexes des habitants de façon nouvelle, de produire des réponses plus efficaces et adaptées, et de faire la preuve de cette nouvelle approche. Elles utilisent pour ce faire des méthodes croisant par exemple design, recherche ethnographique, économie comportementale, analyse des données, etc.

Pour mener leur travail, les équipes croisent des compétences variées et inspirantes pour nos futurs laboratoires. Quelques exemples…

Les laboratoires ont tous un-e directeur-trice, dont le rôle est à la fois d’animer l’équipe, ses relations avec le maire, les services, les partenaires. Il/elle en pilote les grandes orientations, protège l’espace d’expérimentation, construit la pérennité du labo. Ici, la perspective de Paula Kwan, du laboratoire d’innovation de Toronto.

Les équipes mobilisent également un ou plusieurs chefs de projets, qui coordonnent tout ou partie d’une action. Elles accueillent des designers dont les approches incarnent différentes dimensions de la discipline : designers de services, chercheurs,… Ici, Katherine Duong, design researcher au sein de l’équipe d’Austin, nous parle de son rôle :

Les données ont une place importante dans la méthodologie des équipes I-Teams ; les équipes accueillent donc également souvent des data analistes, dont le rôle est d’identifier les sources de données existantes, de les croiser, d’appuyer ainsi le processus d’innovation et de fournir un contexte aux données plus qualitatives rassemblées. Ici, Justin Elszasz, data scientist, nous explique de quelle manière son travail contribue au travail de l’équipe d’innovation.

Enfin, associer les acteurs partis prenantes, en interne et en externe, de la compréhension du problème au développement des projets est la clé de voute de la démarche. Les équipes comprennent donc quelques fois des personnes en charge d’impliquer ces différents cercles (engagement strategists) ou de développer une communication spécifique en direction des habitants. D’autres personnes ont pour mission d’éditorialiser et de rendre visible les étapes de travail, de raconter l’expérimentation et ce qu’elles produiront concrètement pour les habitants, de s’assurer que, au delà d’une communication normée, une pluralité de voix contribuent au processus.  Ecoutez ici Titiana Vade, storyteller/narratrice au sein de l’équipe d’Austin.

Il est intéressant de souligner que ces nouveaux métiers des labos s’inventent en faisant : les directeurs de Labos ne sont pas des spécialistes de l’innovation ; certains ont été diplomates, entrepreneurs, agents publics, etc. Il n’existe pas non plus de diplôme de data analyst, mais ce sont souvent des ingénieurs, des codeurs, etc. Les storyteller sont journalistes, écrivains, designers.size… Certains ont déjà une expérience significative des administrations publiques, d’autres viennent d’horizons autres. Bref, les laboratoires rassemblent des profils non conventionnels, des personnalités curieuses et ingénieuses. Tous aiment identifier les problèmes, trouver de nouvelles solutions, s’impliquer avec optimisme pour améliorer l’action publique. Ils partagent créativité, flexibilité, ambition.

L’organisation des équipes diffère enfin suivant les villes. La taille des équipes s’échelonne de 3 ou 4 personnes à 6, 8, 10 personnes, voire bien plus ; elles changent souvent de structure à la fin du financement de la Fondation. Leurs membres sont issus de l’administration et/ou recrutées en externe, et engagés à temps plein sur le projet. Certains laboratoires renforcent leur capacité d’action au travers de partenariats. Ainsi l’équipe d’Austin a-t-elle développé un programme de fellowship, qui permet à des professionnels cherchant à s’engager dans la transformation de l’action publique ou à des spécialistes intéressés par l’un des sujets de travail de l’équipe, de contribuer plus temporairement. D’autres, comme celle de Seattle, reçoivent un mécénat de compétences. Plusieurs, enfin, développent des partenariats avec d’autres programmes pour mieux déployer leurs travaux: par exemple, l’équipe d’Anchorage s’est rapprochée de Code for America pour développer une plateforme ressource pour les agents ; l’équipe de Syracuse a travaillé avec le département ‘data science for social good’ de l’Université de Chicago pour son travail sur les infrastructures hydrauliques vieillissantes de la ville.