Peut-on innover sans aimer cuisiner ?

Posted on 12 décembre 2018 par Stéphane Vincent

Au premier abord, on peut se demander quel est le rapport entre l’innovation publique, et Cauchemar en cuisine, une émission de téléréalité un peu trash sur la cuisine dans laquelle un restaurateur en détresse accepte d’ouvrir ses cuisines aux critiques d’un chef étoilé, et de subir une semaine de coaching intensif pour l’aider à se remettre à flots…

InnovationenCuisine2

Mais il faut parfois emprunter des métaphores pour libérer la parole. Or la cuisine est un univers très riche et qui nous parle à tous, bien plus que l’innovation. Souvent, l’innovation publique ressemble à un grand restaurant pas très net qui servirait beaucoup de plats prétentieux, mais pas très gouteux une fois dans l’assiette.

Dans le show télé Cauchemar en cuisine, le restaurateur est au bord du burn-out et du dépôt de bilan. Si le dépôt de bilan n’existe pas dans le secteur public (pas au sens propre en tout cas), en revanche c’est bel et bien une forme caractérisée de burn-out qui menace agents, élus et usagers à chaque fois que les promesses de l’innovation sont en décalage total avec la réalité.

IMG_3381

Le 22 novembre, à l’occasion de la semaine de l’innovation publique, nous avons donc enfilé les tabliers de cuisine, mis les toques et sorti les casseroles, prêts à explorer les cuisines de l’innovation publique et à faire notre propre popote… Autour des fourneaux : Yoan Ollivier (Vraiment Vraiment), Nadège Guiraud et Stéphane Vincent (La 27e Région), Marine Parent (Oyena Consulting), Emilie Agnoux (Grand Paris Sud Est Avenir) et une brigade de marmitons, dont Giulia Reboa (DRJSCS Hauts-de-France).

IMG_3400

Au menu de notre atelier, qui durait deux heures : 

  • Dans la première séquence « expert », pour trouver l’inspiration nous avons demandé à Marine Parent, Nadège Guiraud et Emilie Agnoux de nous donner les recettes de trois grands classiques, en mode hautement caustique : l’administration libérée, les laboratoires d’innovation, et les hackatons.
  • Dans la seconde séquence dite des « cauchemars », nous avons proposé aux 40 participants présents de vider leur sac à partir d’une sélection de 10 cauchemars couramment rencontrés dans le secteur public : de la tourte surprise (« Innovation qui consiste à présenter comme positif quelque chose qui est en réalité décevant, irréaliste, voire pas à l’avantage de tous : une restriction budgétaire, une diminution de personnel ») au yaourt zéro % (« L’innovation qui ne fait pas rêver, au récit faiblement mobilisateur. »). 
  • Dans la troisième séquence, les participants se sont servis des enseignements tirés précédemment pour ré-ecrire les recettes des laboratoires d’innovation, des hackatons et de l’administration libérée, et donner des conseils pour ne pas les rater !
IMG_3393

Voici en photos ce que les cauchemars ont inspiré aux participants :

IMG_3409

 

La présentation finale des recettes a été filmée et à permis d’obtenir 3 petits films assez savoureux : 

Espérons que les oreilles de l’excellent chef Philippe Etchebest et celles des producteurs de Cauchemar en cuisine n’ont pas trop sifflé ce jour-là. En tout cas, tout le monde s’est bien amusé, tout en mettant à jour des constats souvent critiques sur la façon dont se déploie l’innovation publique. Une fois de plus, le caractère profondément rassembleur et humain de la cuisine s’est révélé un excellent exhausteur de bonnes idées pour sortir de la déprime.

Comme la cuisine, l’innovation c’est un ensemble de pratiques, de savoirs-faire, de gestes techniques, d’idées créatives, d’astuces et de bricolages. On peut cuisiner de temps en temps, en amateur, ou bien en faire son métier, ouvrir un restaurant, viser les étoiles et devenir meilleur ouvrier de France. On peut cuisiner avec ou sans viande, utiliser des produits de saison. Il n’existe aucune recette unique, chacun peut réinterpréter les recettes des autres, les améliorer, faire sa propre popote. C’est une activité manuelle et cérébrale. C’est à la fois un artisanat, un art, une science, une émotion, une culture populaire. Et si on essayait d’innover un peu comme on fait la cuisine ?

IMG_5624