Il y a un peu plus d’un an, la 27e région et la Transfo ont noué un partenariat avec le programme Innovation Teams de la Fondation Bloomberg. En octobre dernier, nous nous sommes rendus à Los Angeles pour rencontrer 14 des villes engagées dans le programme. Une large place a été accordée, durant les sessions, au partage de l’expérience de monter ces laboratoires, et des méthodes de travail de ces équipes d’innovation au service des grands défis de leurs villes. Compte rendu-d’expérience.
Le cycle d’innovation I-Team
La fondation choisit les villes participant au programme sur le principe d’un appel à candidature. Une fois sélectionnées, celles-ci reçoivent un financement qui leur permettra de recruter, pour trois ans, une équipe d’innovation. Cette équipe choisira avec le maire deux ou trois grands sujets auxquels elle s’attaquera, l’un après l’autre, pendant les trois années du programme. Le cycle d’innovation n’est évidement pas linéaire mais itératif, en voici les principales étapes:
Phase 1 (2 mois environ) – Recrutement de l’équipe d’innovation, sélection des priorités de travail par le maire et son équipe.
L’équipe commence souvent sur un modèle de 3 à 5 personnes (directeur de projet, designer, data analyste, etc.), d’autres profils pourront venir ensuite renforcer l’équipe. Les recrutements se font en interne et/ou en externe. Pour en savoir plus sur l’organisation et les profils de ces labos, c’est ici.
Phase 2 (3 mois) – Investigation
L’équipe mène un travail de recherche très large sur la priorité de travail : rapports et recherches en cours, expériences menées par d’autres villes, cartographie des acteurs, données disponibles, etc. Elle associe les acteurs concernés au sein de l’administration et dans l’écosystème local. Sur la base de ce travail de recherche, elle détermine la dimension du problème sur laquelle elle pourra agir et obtenir des résultats tangibles et mesurables. Ceci leur permet de créer une ‘vision du succès’ (à quoi ressemblera la vie des résidents une fois le problème traité ?) qui sera utilisée pour communiquer, en interne comme en interne.
Phase 3 (3 mois) – Recherche approfondie
L’équipe mène ensuite un travail de recherche approfondi, pour identifier les sources de données qualitatives et quantitatives disponibles et celles qui devront être créées (interviews, equêtes, focus groups, etc.), ainsi que les recherches déjà disponibles. Elle confronte ces données et les analyse ; la phase de synthèse permet de faire ressortir des éléments clés pour comprendre le problème d’origine, sa nature, ses racines profondes, et la manière dont il affecte la vie des résidents. Ceci permet à l’équipe d’identifier les opportunités d’amélioration, de développer des hypothèses de travail, et faire émerger quelques idées clés. L’ensemble du travail est réalisé en équipe, en impliquant les partenaires et services concernés.
Phase 4 (5 à 6 mois) – Idéation
Sur la base de ces idées clés, l’équipe i-team prototype, teste et développe un portefeuille de projets de court, moyen et long terme, et en déploiera certains. Chaque projet doit avoir un porteur, au sein de la municipalité ou sur le territoire. Il doit aussi pouvoir être évalué au moyen d’un ensemble de données à collecter et à suivre.
Phase 5 – Mise en œuvre
Les services ou acteurs locaux porteurs des projets les mettent en œuvre, avec le soutien des équipes I-Team. Ils évaluent en continu la manière dont les projets permettent de d’agir sur la priorité d’origine et d’améliorer la vie des habitants.
Et tout au long du programme…
Tout au long du programme, les équipes I-Team travaillent avec les services et agents municipaux, les habitants et leurs associations, les partenaires publics et privés concernés par leur sujet pour les associer à la définition du problème et aux réponses à imaginer. Elles insistent sur l’importance de développer en continu des relations de confiance, de personne à personne, avec les partenaires internes et externes.
Toutes les étapes, des objectifs aux résultats, doivent produire des éléments mesurables. Les équipes I-Team consacrent plusieurs mois à l’étape de recherche ; une part importante du travail consiste à identifier, produire et analyser des données qualitatives et quantitatives, qui se complètent pour valider les hypothèses, construire les idées, mieux orienter les démarches et les rendre plus efficaces.
Une stratégie de communication, en interne et en externe, est développée du début à la fin pour rendre visible le travail de l’équipe, convaincre les services et les habitants, créer de l’adhésion.
Enfin, le portage politique doit lui aussi être constant et visible. Les maires sont très impliqués dans le développement du programme : ce sont eux qui choisissent d’engager leur ville, qui déterminent les grandes priorités de travail ; les équipes d’innovation sont placées directement sur leur responsabilité.
Pour voir un exemple de travail d’un des labos I-Team, suivez la visite que nous avions faite à l‘équipe de Jersey city.
Quelques questions et apprentissages
La Transfo et I-team, des modèles opposés ?
I-team se focalise sur la construction de solutions nouvelles pour les usagers avec une équipe dédiée, quand la Transfo cherche en préalable à développer les capacités d’innovation internes des agents de la collectivité. L’ampleur et la diversité des enjeux auxquels s’attaquent les équipes I-Team nous a frappé : améliorer la situation des sans abris, revoir le processus de recrutement de la police, développer les commerces de proximité… Les équipes que nous avons rencontrées ont quant à elles été intéressées par l’idée de dédier du temps à l’émergence du laboratoire, de commencer par des sujets modestes, avant de lui attribuer des ambitions parfois très larges. Développer une culture de l’innovation et de nouvelles postures de travail au sein de l’administration, co-construire avec les agents, font également partie de leurs objectifs afin de mettre les équipes en capacité d’adopter des transformations réelles, et de lever des freins internes à l’innovation.
Intégrer une démarche de recherche et de mesure d’impact dans les futurs Laboratoires ?
De l’amont à l’aval de la démarche, la mesure d’impacts est au centre de l’approche I-Teams. Elle permet de lui donner une visibilité, de les ajuster et de les rendre plus efficace. Il serait intéressant de tester et de nous approprier ces démarches dans la Transfo, et de développer les compétences dans ce domaine, afin de consolider le travail des futurs laboratoires français. Egalement, les équipes I-teams dédient beaucoup de temps à un travail de recherche et de collecte de données qualitatives et quantitatives. Cela contribuerait il à l’émergent ce d’idées plus riches, plus éloignées de notre spectre de pensée habituel?
Une approche artistique des formes et du design : une spécificité de la Transfo ?
Nous avons réalisé combien la Transfo avait développé une approche créative, des interviews outillées aux façons de rendre compte du travail donné, en passant par les propositions de scénarios extrêmes. Il s’agit d’interpeller, d’éveiller l’imaginaire, mais aussi de rendre l’action publique plus désirable, plus curieuse. Cela pourraient certainement venir bousculer, mais aussi enrichir le travail plus cadré des équipes I-Teams.
Que se passe t il au bout de trois ans, lorsque le financement Bloomberg s’achève?
Les laboratoires doivent construire un modèle économique. Pour beaucoup, la ville poursuit le financement de l’équipe d’innovation, souvent sous une version réduite (4 personnes au lieu de 10 par exemple). D’autres construisent des modèles mixtes, en faisant appel à des fondations locales ou à d’autres partenaires privés, comme l’équipe de Memphis par exemple. Quel impact cela a-t-il en termes de gouvernance ? Comment cela peut il inspirer nos futurs Labos ?
Comment les équipes I-Team sont elles animées ? Est ce que cette dimension managériale fait partie des zones d’expérimentation ?
On garde la question pour les prochaines rencontres !