La crise sanitaire : l’émergence de nouvelles pratiques d’enquêtes ?

Posted on 21 juillet 2020 par Julien Defait

Le 1er juillet dernier, nous organisions un webinaire sur les outils et les méthodologies de l’enquête de terrain. Ou plus exactement, comment la crise sanitaire pousse a réinterroger durablement les modalités traditionnelles de l’enquête ?

Le webinaire est a retrouver en vidéo ici.

Avec la participation de Pauline Scherer, sociologue ; Elvire Bornand, sociologue, qui présente La Bonne Cage un podcast qu’elle a créé à Nantes pour raconter le quotidien des habitants de La Boissière, un quartier populaire ; Thomas Guillard, élève designer à l’ENSCI et qui, pour son mémoire de fin d’études sur le bricolage et le détournement de modes d’emplois, a transcrit des protocoles de fabrication de maquettes pour que ces dernières puissent être produites par les personnes de chez elles.

Avant de vous plonger dans l’écoute du webinaire, voici quelques éléments
d’introduction :


La crise sanitaire : l’émergence de nouvelles pratiques d’enquêtes ?

Qu’est-ce que la période de confinement a changé pour les sociologues, les designers et les autres professionnels de l’enquête, alors même que, confinés, ils n’avaient plus accès au terrain ? Un terrain qui constitue, à priori, la base méthodologique de l’enquête. Exit les déambulations collectives, les visites commentées, les discussions inopinées, le rapport à l’espace physique. L’enquête est-elle devenue impossible, ou réduite à sa plus maigre dimension, celle de la discussion téléphonique ? Ou, au contraire, cette période a-t-elle suscité une créativité à marche forcée pour répondre à ces nouvelles contraintes ?

Pauline Scherer, sociologue, fait l’hypothèse que cela dépend des situations et de la temporalité, et distingue plusieurs cas de figures. Premièrement : les enquêtes en cours. Y a-t-il une urgence à les poursuivre, au risque de les détourner de leurs objectifs de départ ? Et si oui, comment et par quel biais, afin de dépasser les contraintes d’éloignement physique et d’inventer de nouveaux outils ? Deuxième cas de figure : le confinement et la crise deviennent des objets de recherche. On a vu apparaître lors du confinement pléthore d’enquêtes et de sondages questionnant nos addictions, notre rapport au temps, nos modes de sociabilité en temps de confinement… Enfin, si l’on se projette dans un avenir qui serait partiellement confiné, avec des mesures de distanciation physique qui se pérenniseraient, comment adapter nos outils de travail et en créer de nouveaux, qui prendraient en compte l’installation de ces nouvelles contraintes ?


Le numérique, omniprésent.

Les pratiques d’enquêtes observées lors de la crise et qu’on vous décrivait en détail dans un article en mai dernier révèlent un fort recours au numérique, dont le développement ne date pas du confinement bien sûr mais qui posent de nombreuses questions sur le plan éthique, pratique et épistémologique (respect des données personnelles, abolition de la frontière entre l’intime et le public, impact environnemental du numérique…). Le numérique est toujours autant chargé de ces enjeux mais, dans le même temps, ouvre des possibilités immenses en terme de créativité et de renouvellement méthodologique. La vidéo, le son, le selfie, le podcast, les expositions en ligne, les réseaux sociaux permettent de réinventer les modalités d’intervention des professionnels de l’enquête. Non pas tant dans la phase d’analyse de l’enquête, que dans la manière de rendre compte et de laisser une trace.


Une évolution de l’implication du chercheur dans l’enquête ?

On connait bien l’enquête comme un temps de collecte de données et d’analyse. Mais ce qui nous occupe ici – et à La 27e Région en permanence 😉 – est tout l’enjeu de la « recherche expérimentation ». C’est-à-dire la manière dont l’enquête transforme l’enquêteur, l’enquêté et le terrain eux-mêmes. La crise a-elle fait de l’enquête, non pas une simple observation, mais une occasion pour l’enquêteur d’expérimenter des hypothèses sur son terrain, d’introduire une perturbation dans le réel afin de faire émerger des idées qui pourraient elles-mêmes faire l’objet d’expérimentations ?