Pré-enquête : ouvrir la boîte noire des coopérations recherche-collectivités

Posted on 16 décembre 2025 par Stéphane Vincent

Avec le soutien de l’ADEME, entre janvier et juin 2026 la 27e Région lance une petite enquête participative sur les nouvelles formes de recherche, d’innovation et d’action publique. Principal objectif : ouvrir la boîte noire des formes hybrides de coopération entre chercheurs et élus/agents et élu-es de collectivités, en particulier portant sur les enjeux écologiques, et en tirer des enseignements pour aller plus loin. Cette pré-enquête devra permettre de préfigurer une recherche-action inter-collectivités plus longue et plus expérimentale.

Une collaboration déjà ancienne

Les échanges entre recherche et secteur public existent depuis bien longtemps, mais ils semblent retrouver une nouvelle vigueur depuis quelques années. De plus en plus de collectivités locales, notamment, développent des relations avec des chercheurs et des laboratoires académiques sur des sujets liés à la transition écologique, à l’inclusion sociale, aux transformations numériques, ou encore depuis peu au phénomène de l’érosion démocratique et de la post-vérité.

A titre d’exemple et sans oublier les centaines d’autres, parmi les plus récents on pourrait citer le programme IRIS-E à Rennes, le projet Becreative menée par l’INRAE, ou encore le Laboratoire des transitions de la Région Occitanie –nous en avons déjà référencés plusieurs dizaines et il en existe de nombreux autres. Nous-mêmes, à la 27e Région, avons conçu et mené plusieurs programmes de ce type, depuis Territoires en résidences (2009) jusqu’à Rebonds (2025).

Si les volontés sont là, en revanche la mise en oeuvre opérationnelle de ces collaborations s’avère plus délicate. Entre communauté scientifique et décideurs publics, chacun reste finalement un peu dans son camp et les résultats concrets sont difficiles à saisir. La coopération n’est pas une simple collaboration : elle implique un changement de paradigme des deux parties, en particulier dans la façon d’envisager l’activité de recherche et de production de connaissances.

Comment aller plus loin ?

Comment dépasser les écueils et construire une relation fructueuse pour toutes les parties ? Dans une première série de billets de blog, nous avons déjà mis en avant quelques conseils aux chercheur.euse.s et aux collectivités, issus d’une série d’ateliers participatifs organisés dans la foulée des rencontres « recherche et territoires » de l’AFUV (Associations des Villes Universitaires Françaises), et en partenariat avec la coopérative ELLYX.

Aujourd’hui, nous voulons aller un cran plus loin. Au fond, nous sommes convaincus que la relation recherche/collectivités pourrait constituer un des remparts contre le backlash écologique et démocratique en cours. Mais pour savoir comment nous y préparer, nous avons d’abord besoin de mieux comprendre les initiatives existantes, quels sont leurs finalités, comment elles comptent les atteindre, ce qui se passe réellement sur le terrain, leurs réussites et leurs difficultés. Lever le voile sur leurs formes et leurs usages serait une première étape pour mieux définir la façon de les soutenir et de les faire progresser…Alors, chiche ?

Des acteurs aux motivations complémentaires, du moins en théorie

Les motivations des acteurs sont multiples et croisées : de leurs côtés, les universités sont invitées à amplifier leur rôle à l’échelle territoriale ; des acteurs de la recherche investissent les sciences citoyennes et les dispositifs qui vont avec (label « sciences avec et pour la société », Cifre en collectivités, Zones ateliers, Laboratoires en commun, etc) ; dans de nombreux territoires, le travail avec les chercheurs vise à accélérer l’innovation, à faire évoluer les méthodes, anticiper les risques, etc. Certaines collectivités cherchent à mettre en œuvre de nouveaux paradigmes de développement tel que la « théorie du donut » (Raworth, 2017), et veulent y associer les universités de leur territoire ; les associations et les entreprises sociales, expriment des besoins de recherche action ; quant aux citoyens, ils sont de plus en plus associés aux processus d’élaboration des politiques de transition, notamment dans une perspective de « sciences citoyennes ».

Une enquête participative et apprenante

Pour autant, ces démarches sont encore émergentes et difficiles à cerner. Beaucoup de choses restent peu explicitées dans la relation recherche/décideurs publics. Des évaluations ont été menées, mais elles sont rares et peu exploitées. Il arrive que les projets soutenus dans le cadre de ces programmes soient évalués, mais pas les programmes dans leur ensemble. Leur théorisation est souvent faible ou peu explicite.

C’est la raison pour laquelle nous nous donnons pour mission de mieux comprendre ces nouveaux formats, en partant d’enseignements issus de projets existants (en France et à l’étranger), avec pour boussole les réalités vécues sur le terrain par les chercheurs comme par les agents et décideurs des collectivités locales.

Notre enquête débutera débutera début 2026 et durera 6 mois. Elle se déroulera selon un mode participatif, et associera des équipes de l’ADEME et de nos collectivités adhérentes les plus motivées. Elle aura pour objectif de documenter les particularités, les forces et les faiblesses, les co-bénéfices pour les parties prenantes, leurs motifs et modalités d’implication. Elle permettra ainsi d’ouvrir une réflexion sur les meilleures façons de les soutenir et les faire progresser, et se terminera par un séminaire de restitution.

En plus de l’ADEME, la gouvernance de ce projet comprendra un groupe de collectivités et d’universités déjà engagées dans ce type de démarche. Leurs équipes participeront à l’enquête aux côtés de la 27e Région, dans une logique de commun.

Une première phase d’entretiens avec des experts et de veille documentaire à partir de l’état de l’art, permettra de produire une première cartographie des acteurs, de documenter une sélection de cas existants (dont quelques uns à l’étranger), de les catégoriser à partir d’un certain nombre de critères à construire, et d’identifier des questions de recherche.

L’enquête proprement dite, elle aussi administrée de façon distribuée, s’appuiera sur une série d’entretiens avec des porteurs de projets. Des temps d’ateliers, de sprints et ateliers d’écritures, des temps de « groupes miroirs », permettront d’animer le réseau d’enquêteurs et de capitaliser les résultats. Il ne s’agit pas d’une recherche académique, mais d’une petite enquête qui devra aboutir sur des premières propositions activables (outils, boussoles, etc.) et poser les bases d’une recherche-action plus ambitieuse et inter-collectivités.

Si vous travaillez dans une collectivité ou une université, que vous vous reconnaissez dans ce travail, et que vous aimeriez y contribuer concrètement, contactez-nous !