Les métropoles en mode transformation, deuxième partie

Posted on 13 septembre 2017 par Stéphane Vincent
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Quoi de mieux que profiter de deux journées studieuses et au vert pour faire la transition entre la fin des vacances et le rush de la rentrée ? Sous l’égide de France Urbaine, à l’invitation de Nantes Métropole et à partir d’un programme conçu par la 27e Région, les responsables innovation de 11 métropoles (1) se sont retrouvés les 28 et 29 août pour poursuivre leur travail d’enquête sur l’innovation publique métropolitaine -Une session s’était déjà tenue à Superpublic le 29 mai dernier. Au programme cette fois-ci (voir la présentation en slides), plusieurs ateliers (2) sur des thématiques chères aux participants, un pecha kucha inter-services offert par les agents de Nantes Métropole, le plaisir d’une soirée au grand air en compagnie de toute la communauté de l’innovation publique nantaise (agences de design, école de Nantes Atlantique, Région Pays de la Loire, Loire-Atlantique, Saint-Nazaire, etc)… et comme décor, l’atmosphère inspirante de l’ile de Nantes et du jardin des plantes !

Premier atelier : Les élus métropolitains « nouvelle génération »

Pour mieux gouverner l’innovation, il faut nécessairement innover dans la gouvernance. Quelles conséquences pour les élus métropolitains ? A quoi pourrait ressembler la fonction d’élu dans la métropole de demain ?  Autant de questions que nous avons voulu nous poser collectivement le temps d’un premier atelier, au siège de la Métropole de Nantes. Ce premier temps de travail visait à imaginer des outils et processus innovants permettant l’évolution des pratiques des élus. En guise de « crash test » de ces idées, deux élus de la ville de Nantes, Bassem Asseh, Adjoint au Maire de Nantes, dialogue citoyen et Francky Trichet, Adjoint au Maire de Nantes, innovation et numérique, nous ont rendu visite en fin de séance pour un temps d’échanges riches et tout en décontraction, entre élus et agents.

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Pour imaginer ces dispositifs, nous avons procédé à un atelier de créativité rapide, ou les participants étaient invités à imaginer de manière spontanée des idées d’outils, de processus, d’instruments, de modalités de décision qui pourrait accompagner le changement de posture. C’est autour de trois grands thèmes que nous avons articulé notre propos : l’élu nouvelle génération, la place de la science et de la technologie dans la décision publique et la maitrise des élus sur ces nouveaux outils, le rapport des élus au long terme, qui ouvrait les questions de rapport entre temps du politique et temps des politiques publiques, de la vision pour le territoire, nécessairement plus long.

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Après une première phase d’idéation rapide, quatre idées ont re-précisées et retravaillées, parmi lesquelles : « Vis ma Vie – ma vie » (un programme d’immersion invitant les élus à se mettre, le temps d’une journée, dans la peau  d’un agent et d’un citoyen, d’où la double injonction), le vote par consentement politique (modalité de vote en assemblée par expression et résolution des désaccords jusqu’à consentement de la décision), la fête des paliers (une formalisation plus grande des étapes sur de grands projets complexes) ou encore un dispositifs d’accompagnement des élus par l’apprentissage pair-à-pair de maniement des réseaux sociaux comme outils de communication politique.

Des propositions qui n’ont pas manqué de faire réagir nos deux élus invités, amorçant ainsi une discussion collective sur le rapport des élus au principe d’essai-erreur. Le chemin est encore long pour rendre compatible l’approche expérimentale de conception des politiques publiques avec les logiques de promesses électorales et de sanction par le vote. Est-ce à dire qu’il faudrait mieux « marketer » l’échec ? Au-delà du discours sur l’essai-erreur, cela pose la question du rapport qu’entretiennent les citoyens à l’expérimentation et au risque en politique.

Tous les gabarits remplis par les participants sont téléchargeables ici.

Deuxième atelier : Le design au service du changement systémique

Dans la grande majorité des problèmes que doit traiter la puissance publique, Il ne suffit pas d’innover dans chaque silo, il faut plutôt traiter les problèmes de façon systémique : par exemple en étant plus attentif aux interdépendances, aux externalités et aux risques d’effets collatéraux -par entre le centre et la périphérie de la métropole. Cet atelier visait à mieux comprendre ces mécanismes, mais aussi à voir en quoi le design et le travail sur les représentations peuvent aider des groupes d’acteurs à aborder ensemble des problèmes complexes, à identifier les bonnes priorités mais aussi à mieux s’organiser entre eux.

Nous avons demandé à Jacky Foucher, designer et fondateur de l’agence GRRR, de présenter l’exercice que son agence a mené avec la métropole de Nantes au sujet de la transition énergétique. Mené dans le cadre du Grand débat (on retrouvera le document complet sur le site de l’opération), il a fait l’objet de 5 séminaires successifs et réuni les représentants d’une cinquantaine de structures. L’objectif était d’identifier les écosystèmes de la transition énergétique et leurs dynamiques, et de faire bouger les représentations des acteurs sur la transition énergétique.

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« En général, quand on demande aux gens de représenter un écosystème tel que celui de l’énergie, ils s’en tiennent à une cartographie des acteurs, explique Jacky. Ce type de cartographie est intéressant mais totalement insuffisant pour représenter des dynamiques plus complexes, comme par exemple pour représenter où se situent les marges de manoeuvre, qui a le plus d’influence sur les choix énergétiques ou quelles sont les valeurs les plus pertinentes à mobiliser. ». JackyC’est pourquoi Jacky a conçu des représentations adaptées à chaque thème de discussion, mobilisant diverses formes de visualisation. Certains représentations peuvent paraitre difficile à décrypter, à première vue : mais on finit par les comprendre, et de toute façon, la route est plus important que la destination : c’est un véhicule pour réfléchir collectivement, pour négocier les points de vue (certains débats avec les producteurs d’énergies ont été tendus) plus qu’un aboutissement ultime. « Il faut d’ailleurs veiller à ne surtout pas fêtichiser ces représentations, ce sont des outils, en aucun cas elles ne représentent des stratégies prêtes à être appliquées », ajoute Jacky.

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En résumé, dans cette approche on pourrait dire que le design est utilisé pour représenter la complexité, et pour produire des outils pour enquêter dans la complexité et tenter de la démêler collectivement -et non par simple agrégation de points de vue.

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En guise d’exercice pratique, les participants ont ensuite été invités à produire leur propre vision de l’écosystème de l’innovation publique, en repartant de leur propre organisation. Parallèlement il leur a été demandé d’imaginer une représentation d’un écosystème idéal. Un exercice très inspirant, qui donne envie d’aller plus loin : par exemple en identifiant tout ce qui fait obstacle au développement de la transformation de l’action publique, et toutes les marges de manoeuvre qui pourraient être activées avec et entre les collectivités, les écoles, les laboratoires de recherche, à l’échelle locale et/ou nationale.

Tous les gabarits remplis par les participants peuvent être téléchargés ici.

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Troisième atelier : Imaginer les futures de l’administration métropolitaine innovante

Etat start-up, open gouv, etc. alors que les discours sur la transformation des administrations publiques sont colonisés par des termes nébuleux et souvent mal compris, il nous a semblé opportun de saisir ces rencontres de pré-rentrée pour prendre du recul et interroger le storytelling de l’innovation dans les administrations. Comment se défaire de ces archétypes qui, trop ambivalents et trop peu incarnés, ne  disent que ce l’on veut leur faire dire ? Et comment ne pas tomber dans l’écueil d’un discours très factuel, mais qui passe à coté des grandes valeurs et visions portées par ces différentes ?

Grâce à des participants très créatifs et malgré les efforts déjà fournis lors des deux précédents ateliers, ces histoires nous ont fait voyagé dans des avenirs parfois prometteurs, comme celui d’une administration libérée par effet domino d’un absentéisme généralisé, et parfois plus inquiétants, où des algorithmes auraient par exemple la responsabilité d’attribuer les  logements sociaux. Au delà, en racontant la genèse de ces futurs extrêmes, mais néanmoins pas impossibles, les changements « techniques » révèle leur dimension politique : l’algorithme d’attribution de logement sociaux porte en son sein un vision de l’acteur public et du citoyen, il s’appuie sur des valeurs (la justice par exemple) et des jugements de l’existant (le clientélisme) pour justifier son recours. Autrement dit, par le détour de la mise en récit, le changement technique apparait à la fois plus tangible, car illustré, mais aussi plus politique. Et de clore notre atelier sur une question : comment, maintenant, amener les élus et les décideurs à formuler en valeurs, plutôt qu’en techniques, leur projets de transformation ?

Le pecha kucha : une bonne méthode pour faire de la revue de projet !

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Nos hôtes Nantais nous ont offert 40 minutes de projets innovants, livrés en condensé, en se pliant à un exercice de présentation, pas si simple mais relevé avec brio : présenter en 7 minutes, chrono en main, son projet.

Flore Thalouarn nous a ainsi donné un aperçu synthétique des démarches d’innovation interne et notamment la mise en place d’un forum de l’innovation dématérialisé sur l’intranet, permettant le partage d’expérience et le dépôt d’idées, ensuite soumise au vote d’un jury pour être appliquée.

A travers l’intervention de Sandra Rataud, nous avons pu saisir les subtilités de la procédure de participation citoyenne, minutieusement définie et éprouvée depuis déjà de nombreuses années par la métropole, sur plus d’une 60aine de projets.

Yona Cossard Guennoc, nous a quant à elle offert une focale sur la mise à contribution du design dans la formalisation graphique des différentes étapes de la démarche de participation, facilitant ainsi l’appropriation de ces procédures par des agents porteurs de projets.

Grâce à l’intervention de Claire Sachaud et Stéphane Juguet, nous avons pu également découvrir Citylab, démarche d’expérimentation ouverte permettant la mise à disposition d’espace public à des acteurs privés ou associatifs pour qu’ils expérimentent leur proposition en situation réelle.

Enfin, Aurélie Keller Dgedai  et de Karen Burban Evain ont illustré la manière dont les services de la métropole se saisissent des approches innovantes, à travers la présentation de nouvelles formes de coopération avec des acteurs privés ou parapublics pour imaginer de services adaptés aux usagers, qu’ils soient chef d’entreprise ou bénéficiaires des minima sociaux.

Un tour d’horizon très inspirant, qui suscite de nombreuses questions chez nos participants. C’est autour d’un verre, sur l’ile de Nantes, que nous continuons la conversation avec cet écosystème de l’innovation nantais dont le sens de l’accueil n’est plus à prouver !

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(1) Les collectivités participantes comprenaient Nantes Métropoles, Bordeaux Métropole, la Communauté urbaine de Dunkerque, Rennes Métropole, l’Eurométropole de Strasbourg, Montpellier Méditerranée Métropole, Grenoble-Alpes Métropole, Saint-Etienne Métropole, Métropole européenne de Lille, le Grand Lyon, Angers Loire Métropole. Le groupe est animé par la 27e Région en liaison avec France Urbaine.

(2) Chaque atelier débutait par la présentation d’un cas inspirant en 15-20 minutes, puis….une heure de lecture ! En effet les participants étaient alors invités à prendre le temps de lire une sélection d’articles et d’extraits d’ouvrages sur le thème concerné. Verdict d’une participante : « Génial, à refaire ! Dans le quotidien, on n’a jamais le temps de se documenter. Pourtant c’est tellement utile de se former en lisant des articles spécialisés… ». IMG_2141Puis les participants s’organisaient par groupe ou en duo et produisait des idées d’améliorations, de nouvelles façons de faire. Au terme de l’atelier, au moyen de gabarits fournis à cet effet, l’objectif consistait à produire une idée tangible. Les 4 idées de projets issues de l’atelier « Les élus métropolitains nouvelle génération », par exemple, ont été soumises à deux élus nantais qui ont bien voulu se prêter au jeu, Francky Trichet, adjoint à l’innovation et au numérique, et Bassem Asseh, adjoint à la co-construction et au dialogue citoyen.