Labs for System Change : une nouvelle étape pour les labos d’innovation publique ?

Posted on 1 juin 2014 par Stéphane Vincent

Deuxième partie de notre compte-rendu de « Labs for System Change », organisé à Toronto (Canada) par MaRS Solutions Lab. Retrouvez la première partie ici.

Où sont les laboratoires d’innovation publique ?
La cartographie de Jari (Cf première partie) permet de dresser la liste de tous les labs ayant pour unique vocation de chercher à transformer le secteur public par l’innovation sociale et le design, et majoritairement financés par ce dernier. Ils sont un peu plus d’une vingtaine à être identifiés : sur le continent américain on compte The Lab (Ministère de la fonction publique américain US à Washington), Innovate SF à San Francisco, le Public Policy Lab (NYC), IZone (le projet éducatif de NYC), New Urban Mechanics (ville de Boston), le Laboratorio Para La Ciudad de la ville de Mexico (voir la vidéo) ; En Europe le MindLab (DK), le SILK du Kent, le Nesta Lab, la Behavorial Insight Team, le nouveau UK Policy Lab du Cabinet Office (UK), The Studio (ville de Dublin, IRL), SITRA (FI), la 27e Région en France -auquel il faudrait ajouter Futurs Publics au SGMAP, les missions innovation du Département du Val d’Oise et celui de Loire Atlantique, les équipes innovations créées dans le cadre du programme La Transfo dans les conseils régionaux de Pays de la Loire, Champagne-Ardenne et Provence Alpes Côte d’Azur, la Fabrique de l’Hospitalitéau CHU de Strasbourg ; et en Asie-Océanie le co-design lab du gouvernement néo-zélandais, le Design Thinking Unit de Singapour.

Des projets en échec
Au moins deux projets sont à l’état d’abandon : le Design Lab d’Helsinki, tout comme le Design Gov du gouvernement australien -tous deux interrompus après une phase de 18 à 24 mois de test. On trouve sur le site Design Gov des éléments de bilan et quelques explications sur les raisons de l’abandon.

Quelques exemples de labos d’innovation publique
L’Office of Personnel Management Lab (=ministère de la fonction publique américain à Washington DC) consacre se presque exclusivement à l’empowerment des fonctionnaires et la formation, comme nous l’explique Arianne Miller :

Gabriella Gomez-Mont dirige le Laboratorio Para La Ciudad de la ville de Mexico, où vivent plus de 22 millions d’habitants. Gabriella est fonctionnaire, et le labo est au sein de la municipalité. Comment a t-elle réussi à conserver l’autonomie dont elle a besoin pour mener son action ?

Andra Siodmak est designer et a notamment exercé au sein de la Région des Cornouailles pendant quelques temps. Elle vient d’être nommée au tout nouveau Public Policy Lab créé au sein du Cabinet Office britannique :

Comment ne pas se planter ?
Pas de recette miracle, mais Christian Bason (MindLab, DK) rappelle les défis qui attendent les initiateurs de labos souhaitant mobiliser le design dans le secteur public :

  • obtenir le droit de ré-interroger (des diagnostics, des politiques publiques en place, etc) par le design et l’innovation sociale
  • créer de nouvelles compétences chez les élus comme chez les designers
  • reconnaitre de nouvelles formes de création de valeur et mesurer différemment la performance publique
  • amplifier la recherche sur le design des politiques publiques
  • mieux articuler design et décision politique

Entre ambition et humilité
Pour tous ceux qui suivent depuis plusieurs années ces questions, on note de la part de plusieurs intervenants une attitude plus raisonnée, mais aussi une plus grande capacité à se projeter dans l’avenir des politiques publiques. Pour Christian Bason, il faut dorénavant savoir être à la fois ambitieux -et explicite sur la vision transformatrice que l’on porte- et humble -ces méthodes ne vont pas tout changer, car peut-être l’enjeu n’est justement pas de tout changer… il suggère que dans l’avenir, au concept de « réforme » pourrait succéder une vision plus humble de la fabrique des politiques publiques basée sur l’essai-erreur, et de nouveaux instruments de mesure de performance. Il l’illustre dans ce nouveau cycle de production des politiques publiques :

blog_lab-for-change

Il rejoint en cela Frédérique Pallez (Mines ParisTech), qui lors d’une présentation récente à Saint-Etienne, posait l’hypothèse d’une dissolution de la notion de réforme, au profit de transformations continues, « in-descriptibles » voire invisibles, fait de bricolage (« muddling through ») plus que de l’attente du « grand soir »…. A noter que le MindLab est officiellement chargé par le ministère de la fonction publique d’explorer des pistes pour l’après-New Public Management, en mobilisant des méthodes de design prospectif. Voilà qui intéresse fortement le programme Re-acteur public que nous venons de lancer…

Et ensuite ?
Tout comme les organisateurs, beaucoup de participants expriment l’envie de mieux fédérer cette communauté, qui commence à mieux se connaitre et à se faire confiance. Mais ça n’est pas si simple…

  • Toutes les initiatives n’évoluent pas dans le même contexte, ni avec les mêmes objectifs et valeurs. On voit bien tout l’intérêt qu’il y aurait par exemple à fédérer tous ceux qui se consacrent exclusivement au secteur public -sans se couper pour autant des initiatives ayant pour objet l’empowerment citoyen ou les entreprises, par exemple.
  • Les débats restent un peu théoriques. Au fil de ces rencontres où la simulation et la prospective par le design sont pourtant célébrés, on note une difficulté chronique à appliquer ces méthodes à l’avenir de ces mouvements : pourquoi ne pas mener un exercice de back-casting et simuler l’avenir à 10 ou 15 ans de ces démarches à l’échelle d’un pays, d’une région ou d’une ville ? Quelles alliances, quels projets faudrait-il mener à bien pour porter ces approches à grande échelle ?
  • Par ailleurs nous peinons à identifier des objets d’échanges communs. Dans un groupe réunissant 5 labs dont la 27e Région, nous avons essayé de partager les principaux prototypes issus de nos expériences respectives, et le résultat était plus intéressant. Le Nesta, par exemple, a mené un travaillant passionnant en cartographiant toutes les solutions imaginées dans le monde pour traiter le problème de l’emploi. Comment mieux partager ceci ? Comment aller plus loin ? Certains suggèrent de créer un prototype en réponse à un problème d’intérêt général identifié ensemble -mais n’est-ce pas un peu illusoire ?