Que peut faire l’Europe pour booster l’innovation publique ?

Posted on 19 décembre 2013 par Stéphane Vincent

Depuis quelques mois, un groupe d’experts de toute l’Europe -dirigé par Christian Bason du MindLab danois- préparait une série de propositions pour booster l’innovation publique en Europe. Nous avions nous-même été sollicités lors de l’une des sessions de travail du groupe en 2011 à Bruxelles. Le rapport a été présenté hier. Il est titré « Powering European Public Sector Innovation : towards a new architecture » (Cf les slides de C Bason plus bas).

Côté constats, le document part d’un diagnostic relativement partagé sur les freins à l’innovation dans le secteur public : des administrations qui négligent l’innovation comme un levier de transformation interne, la nécessité de changer d’état d’esprit, le manque de pratique en matière de tests et d’expérimentation, de prise de risque, le faible encouragement aux pratiques innovantes dans le management public, etc. On ne sera pas surpris de retrouver l’inspiration libérale de la Commission européenne lorsque le rapport invite à faire du secteur public « une nouvelle machine à créer de la croissance »… l’idée d’un développement soutenable n’est guère évoquée dans le rapport.

Que retenir des propositions du rapport ? D’abord, que ses auteurs évaluent à 5 milliards d’euros les moyens à investir sur 5 ans dans toute l’Union pour y parvenir, avec à la clé des bénéfices à hauteur de 50 milliards d’euros à horizon 2020. Ensuite, que le design est central dans les recommandations. Le rapport recommande un changement de paradigme, et invite la Commission européenne et les Etats membres à adopter dorénavant le co-design et la co-conception comme une nouvelle façon de produire des services publics. Le rapport invite les administrations d’Europe à adopter une posture « d’entrepreneurs publics ».

Dans le détail, le rapport fait 3 types de propositions

  • Des propositions pour développer le management de l’innovation : il préconise la création d’une structure de gouvernance de haut niveau (plateforme d’innovation dans le secteur public) doté d’un programme de travail de 3 ans. Mais surtout il recommande la formation de 50 000 personnes-clés à partir d’ateliers immersifs, « hands-on », dans une logique d’empowerment. Il suggère également d’établir un mécanisme de « droit à ré-interroger » (Right to challenge), pour permettre aux fonctionnaires de ré-interroger eux-même des routines ou des réglementations administratives. Et surtout, il recommande la création d’un laboratoire d’innovation de l’Union européenne. La proposition peut parait iconoclaste, mais nous l’avions nous-même suggéré : quand on pense à la bureaucratie européenne, on se dit qu’il y a de vraies marges de manoeuvre ! par ailleurs comment la Commission européenne pourrait prétendre à la moindre crédibilité si elle ne s’attelle pas elle-même à ce qu’elle préconise ?
  • Des propositions pour faciliter l’innovation : la création d’un réseau de points de contacts de l’innovation « pair à pair » dans tous les Etats membres ; Pour certains Etats membres candidats, créer une équipe d’innovation capables de répliquer des approches ayant fait leur preuve : la création d’un accélérateur à innovation numérique à partir des champions existants. Egalement, un angel fund pour l’innovation publique.
  • Des propositions pour documenter l’innovation : créer une boite à outils dynamique pour les managers publics, et un tableau de bord citoyen pour comparer la performance des services en Europe.

Difficile de dire ce qui ressortira réellement de ce rapport… mais à condition de ne pas trop chipoter, c’est un signal intéressant donné aux Etats membres et à la Commission européenne elle-même.