Morceaux choisis de la Semaine de l’Innovation Publique 2016

Posted on 25 novembre 2016 par Magali Marlin

Pour la 3e année consécutive, nous étions partenaires de la Semaine de l’innovation publique organisée par le SGMAP du 14 au 20 novembre. Comme l’année dernière, nous vous proposons de partager quelques-uns de ses temps forts (ceux dont on a fait l’expérience en tous les cas !)

À la fabrique de l’innovation publique

Nadège assistait à la table ronde “RH et innovation : comment développer une culture de l’innovation chez les agents publics ?”

On y a parlé nouvelles compétences des agents, management collaboratif, rôle des encadrants pour encourager et protéger (ou au moins laisser-faire !) les initiatives innovantes… Du programme Experimenta développé par nos amis du Laboratoire du gouvernement chilien (et qui n’est pas sans rappeler notre Transfo) au BercyLab du ministère de l’Economie et des Finances en passant par le Lab’AATF, tous les moyens sont aujourd’hui bons pour associer les agents à la transformation de leur administration et impulser de nouvelles pratiques managériales. Mais quels enseignements plus généraux tirer de ces expériences ? Comment capitaliser sur les nouveaux savoir-faire et les modes d’apprentissage les plus efficaces (notamment la formation-action) ? C’est notamment la tâche à laquelle s’est attelée l’OCDE en identifiant 6 compétences fondamentales pour innover dans le secteur public, de la capacité de prendre en compte l’expérience usager à la compréhension du potentiel des données en passant par … la curiosité ! Cette recherche fait écho au nuancier de formation que nous avions produit l’année dernière (et présenté lors de la SIP 2015), notre contribution au pot commun de cette réflexion au long cours. La DGAFP (Direction Générale de l’Administration et de la Fonction publique) a également profité de l’événement pour annoncer le lancement en 2017 d’un fond d’innovation RH, dont on regrette tout de même qu’il soit réservé (dans un premier temps) à la fonction publique d’Etat …

La SIP a aussi été l’occasion pour le SGMAP de dévoiler les lauréats de l’appel à projets « laboratoires d’innovations territoriales » dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA). Bravo, notamment, à nos partenaires de la Région Bretagne et de Bordeaux Métropole, qui figurent parmi les 12 projets retenus !

Laura intervenait à la table ronde autour de l’innovation territoriale, ou comment des initiatives à l’échelle locale peuvent interpeller des politiques nationales

Autour de la table, des témoignages extrêmement différents. Chantal Caritey présentait la démarche de la DGEFP (Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle) d’animation de journées dédiées aux initiatives territoriales, notamment en matière d’emploi. À l’appui de cette présentation, un entrepreneur et une consultante issus des Pays de la Loire témoignaient de l’intérêt de cette démarche d’animation sur le tissu économique local. Emmanuel Dupont, du CGET (Commissariat général à l’Égalité des Territoires), est intervenu pour restituer les grands enseignements du groupe de travail mené l’année dernière avec le SGMAP sur le déploiement de l’innovation territoriale, auquel nous avions contribué. Nous présentions dans la foulée l’expérience de nos résidences sur le terrain, et les pistes en cours d’étude pour un programme de passage à l’échelle de ces démarches expérimentales. Enfin, Jeanne Deperrois, du SGMAP, présentait l’appel à projets du PIA, visant à encourager la création de laboratoires d’innovation dans les collectivités, et dont les résultats ont été annoncés à la fin de la Semaine de l’Innovation Publique (cf ci-dessus). Cette table ronde à points d’entrée multiples était animée par Icare Leblanc (SGMAP) et commentée par Akim Oural, adjoint à la maire de Lille, à la lumière de son rapport sur l’innovation territoriale, dont la ministre Marylise Lebranchu lui avait passé commande en 2015.

Plusieurs questions sont aux croisements de ces différentes interventions. Tout d’abord l’urgence de rénover les ingénieries publiques, qui cloisonnent aujourd’hui les administrations, et rendent complexe le dialogue sur des sujets transverses. Il s’agit aussi de donner la parole aux agents de la fonction publique. Dans la salle, ils étaient nombreux à ressentir une injonction à innover dans la délivrances des services publics, à « faire différemment », alors que les cadres et les procédures ne changent pas. L’expertise des acteurs de terrain est donc à remettre au centre des réflexions sur l’innovation territoriale, quelque soit son échelle. Ce qui va dans le sens d’un « droit à l’expérimentation » plus assumé et mieux formalisé dans les administrations, car si les agents sont les mieux placés pour identifier des potentiels sur le territoire, ou contourner les règles rigides de leur organisation, ils doivent toutefois être soutenus par leur hiérarchie. C’est pourquoi l’appel à projets PIA va dans le sens de cellules d’innovation portées et animées par les agents eux-mêmes, et non déléguées à un « expert » extérieur. Pour finir, Akim Oural nous a mis en garde contre les fausses promesses d’une forme d’innovation avant tout institutionnelle, et trop décorrélée  des problématiques des acteurs locaux. 

Magali participait à l’atelier « La Musette numérique de l’actif » spécial fonctionnaires

musette

Le jeudi matin, nous retrouvions des complices de la FING et de Plausible Possible pour participer incognito à un atelier Musette numérique de l’actif « spécial fonctionnaires ». 3h pour découvrir d’un peu plus près la Musette et tâcher de vérifier sa compatibilité avec les problématiques propres à la fonction publique. Mais au fait, c’est quoi la Musette ? On ne peut que vous conseiller de jeter un oeil à la présentation sur le site de la FING pour en savoir plus. En quelques mots, il s’agit d’un outil aujourd’hui fictif qui regroupe un ensemble de services et de fonctionnalités pour aider le travailleur du 21e siècle à reprendre la main sur sa trajectoire personnelle et professionnelle. Bien sûr, de nombreux éléments et fonctions de la Musette existent déjà de façon disparate à travers des outils bien connus comme Linkedin par exemple, mais avec lesquels il s’agit de penser la compatibilité et l’inter-opérabilité. 

Une fois passé un léger malentendu sur une des thématiques de travail retenue – eh oui, le terme  « statut » ne revêt pas tout à fait le même sens que l’on se place dans un contexte « réseaux sociaux » ou « fonction publique » ! – la grosse vingtaine de participants se prête rapidement au jeu. Parmi eux, la plupart sont issus de fonctions support ou RH de la fonction publique. Un peu dommage de n’avoir que la voix des « experts RH » et un peu court pour en tirer des conclusions sans avoir vu l’ensemble des réflexions développées par chaque groupe, mais quelques enseignements ressortent rapidement. D’abord, les fonctionnaires semblent bien être des travailleurs comme les autres, puisque la plupart des fonctions et problématiques abordées semblent raisonner avec leur quotidien de travail. Ensuite, la question des espaces de travail et du télétravail semble être au coeur de leurs préoccupations : si tout le monde s’accorde sur le mouvement inéluctable vers une plus grande flexibilité des formes, temps et espaces de travail, le poids des normes et habitudes culturelles au sein des organisations publiques semble être un frein important à cette évolution. Comment le dépasser ? Certains participants ont planché sur un dispositif d’arbitrage et de prise de décision à distance, pour que le télétravail soit compatible avec les modes de fonctionnement et de gouvernance actuels des administrations. Enfin, le côté très attrayant des fonctions d’auto-diagnostic RH présentées par les animateurs a beaucoup plu, comme outil tant au service des managers que des salariés, pour les aider à mieux se connaître, révéler leurs compétences et construire leur trajectoire professionnelle. La suite les 24 novembre et 6 décembre à Superpublic pour les 2 derniers ateliers d’approfondissement des scénarios d’usage de cet outil à (presque) tout faire !

À Superpublic

Nadège, Laura et Magali assistaient à la conférence « Qualité des services publics & conditions de travail des agents : un même combat pour l’innovation ? »

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Le mercredi, La 27e Région et l’ANACT — Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, établissement public rattaché au Ministère du Travail — organisaient un débat pour questionner les liens entre amélioration des conditions de travail des agents et qualité des services publics. À partir de deux expériences fortes, l’une portant sur le secteur hospitalier et l’autre sur la protection judiciaire de la jeunesse, les participants ont pu constater que l’adage « travailleur heureux = usager satisfait » cachait des réalités plurielles.

Au delà des problématiques récurrentes de charge de travail et de crainte de l’erreur, qui affectent fortement la qualité de vie au travail à l’hôpital, Olivier Liaroutzos, de l’ANACT, a rappelé, chiffres à l’appui, que la satisfaction des personnels et des patients était étroitement liée à la possibilité de « coproduction » des soins, un domaine sur lequel la France est assez en retard comme nous l’avion vu lors de la rencontre Patient – Partenaire organisée à Superpublic l’an dernier. Elle passe aussi par le dialogue avec les collègues : une étude a montré que 15% des erreurs commises étaient attribuables à un défaut de communication entre les personnels, révélant un important levier d’action au niveau de l’organisation du travail (optimiser les temps de transmission entre les équipes, laisser une plus grande place à la concertation…). C’est tout le sens des groupements d’expérimentations inter-établissements mis en place par la Haute Autorité de Santé en partenariat avec l’ANACT, qui portent sur des sujets organisationnels et des projets de changement. Pourtant, comme l’a rappelé Olivier Blandin, Maître de conférence à l’Université Paris 7 – DIDEROT, directeur d’ATEMIS, la co-production ou la coopération, pas plus que le bonheur au travail, ne se décrètent pas. Ils nécessitent courage, persévérance et une bonne dose d’empathie. En bref, il faut expérimenter, bricoler, (s’autoriser à) tester des choses…  le tout sans forcément avoir la garantie d’un résultat au bout. Quel sacerdoce !

Sans céder à l’immobilisme, le récit détaillé de l’ingénierie déployée par l’agence Strategic Design Scenarios auprès des éducateurs intervenant auprès des mineurs violents en Guadeloupe, nous enseigne tout de même quelques astuces utiles sur le chemin du bonheur au travail et de l’usager satisfait. En vrac on peut citer : organiser des temps de parole entre professionnels et légitimer le partage d’histoires et d’expériences personnelles; limiter l’effet « soufflé » des projets en instaurant des évènements intermédiaires qui « créent de la permanence » tout au long d’une démarche; commencer par des petites choses plutôt que de toujours vouloir tout maîtriser (et finir par s’épuiser et laisser tomber) etc. Dans leur cas, il s’agissait par exemple de réaliser une première cartographie de l’écosystème juridico-social impliqué dans le suivi des mineurs. Un annuaire détaillé serait sans doute préférable, mais la carte, même incomplète, a déjà la vertu de commencer à créer du dialogue, de proposer une « première pierre ». Elle a d’ailleurs été réutilisée par tout le monde et généré de la prise de conscience : elle rend visible le travail des autres, elle crée l’expérience de la nécessité de coopérer…

Ailleurs

Stéphane intervenait à Bordeaux métropole le lundi pour « la matinée de l’innovation« 

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Stéphane était invité par Bordeaux Métropole à présenter les activités de la 27e Région et animer un débat entre les directeurs généraux de deux collectivités : Guy Kauffmann pour le Département du Val d’Oise, et Eric Ardouin pour Bordeaux Métropole.  Ce n’est pas si souvent que des directeurs se livrent ainsi sur les motivations profondes de l’innovation publique, et le travail qu’ils doivent faire sur eux-mêmes et leurs propres équipes pour dépasser les réflexes habituels. L’occasion aussi de faire connaissance avec l’écosystème de l’innovation bordelais « tous azimuts », depuis Regard, système de lutte contre les micro-polluants, jusqu’à Wiiidii, première application de conciergerie française basée à Bordeaux. Rencontre intéressante également avec des acteurs de l’empowerment citoyen, tel que la « Fabrique à déclics » de l’association « Osons ici et maintenant » visant à développer le pouvoir d’agir des jeunes.

Magali était à Nantes le mardi pour le séminaire « Design des usages, usages du design. Quelles opportunités pour la co-construction des politiques publiques ? » 

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Organisé à l’initiative du pôle Dialogue Citoyen, Évaluation et Prospective de Nantes métropole, ce séminaire couplé d’une exposition visait à faire un premier état des lieux du recours aux méthodes du design des politiques publiques dans les projets de la ville, pour en tirer des enseignements partageables. Près d’une soixantaine d’agents étaient réunis à cette occasion, pour une journée mêlant apports théoriques, mise en perspective historique de l’émergence du design des politiques publiques, retours d’expériences, exposition et ateliers d’expérimentations d’outils. L’occasion de découvrir de beaux projets sur des thématiques variées, depuis l’accueil des nouveaux arrivants à la vie nocturne en passant par la Maison de la Tranquilité Publique, et d’avoir une conversation collective de haut niveau sur les (bon et mauvais) usages du design des politiques publiques. Différentes problématiques soulevées par l’emploi de ces méthodes ont été abordées – management des équipes, implication (et acceptation) des élus, gestion des temporalités, maîtrise de nouveaux outils, diversité des usagers, difficultés de vocabulaire… – dans l’optique de partager trucs, astuces et échecs pour progresser collectivement. Enfin, les ateliers de l’après-midi étaient également l’occasion de constater avec plaisir que les agents se sont très bien approprié la Vidéocagette (voir photo) – cet outil que nous avons développé et qui permet de tourner rapidement et facilement des petites vidéos de synthèse. Certains sont même devenus des pros, en imaginant et tournant une vidéo en moins d’une heure sous le regard intrigué et attentif de Bassem Asseh, élu municipal en charge du dialogue citoyen.

Stéphane était à Paris le mercredi pour inaugurer le Labo de Pôle Emploi

Mercredi nous étions au Labo de Pôle Emploi, pour l’inauguration officielle de ses nouveaux locaux dans le 19e arrondissement de Paris, en pied d’immeuble et dans une ancienne agence Pole Emploi. Cet espace de 600 m2 comprend notamment une fonction incubateur pour des start-up qui viennent développer leurs projets au sein du Labo, en coopération avec Pole Emploi -par exemple Kayoum Fane, créateur de Whire.me, assistant personnel conçu pour révéler les compétences cachées des demandeurs d’emploi. C’est Caroline Leclerc qui dirige cette fonction incubateur pour le Labo Pôle Emploi. D’autres rencontres intéressants, avec Boris Sirbey, philosophe de formation devenu start-upper et fondateur du Lab RH,  tête de réseau qui fédère 250 start-ups dans le champ des ressources humaines et du recrutement ; ou encore Bruno Humbert, patron de la Ruche, l’incubateur de l’entrepreneuriat social bien connu et aujourd’hui installé à Paris, Montreuil, Bordeaux et Marseille.

Anna a passé son jeudi au Kremlin-Bicêtre pour parler innovation managériale

Jeudi, IDEAL connaissances (organisme qui accompagne l’échange de savoir-faire des collectivités territoriales depuis 28 ans) nous a invités à organiser avec eux une journée de formation intitulée “L’innovation managériale dans le secteur public : quel modèle pour demain ?” et qui se déroulait dans ses locaux au Kremlin-Bicêtre. Nous étions d’ailleurs invités à conclure la journée, et c’est Anna qui y représentait La 27e Région. Outre quelques usual suspects comme le LABO de la Région Grand-Est ou encore l’Ecole de management du Département du Val d’Oise, cette journée a été l’occasion de découvrir le retour d’expérience de Céline Pottier qui a mis en place une politique de télétravail pour les agents du Département du Maine-et-Loire, ou encore Bernard Marie Chiquet, fondateur d’IGI Partners, cabinet de conseil qui a accompagné la mise en place de l’Holacracy au Syndicat des Déchets de Valenciennes (SIAV). François-Laurent Facquez, Directeur Général des Services du SIAV était également présent pour témoigner : “ce n’est pas forcément facile d’accepter l’idée qu’il n’y a plus de management au sens littéral, mais je ne reviendrais pour rien au monde en arrière” (pour en savoir plus sur cette expérience et sur l’Holacracy, il est possible de regarder cette vidéo)

Stéphane soufflait les 30 ans des régions à Rennes le vendredi

Fin de semaine à Rennes pour parler de l’avenir de la démocratie dans le cadre du séminaire « Les Régions ont 30 ans : et demain ? » co-organisé par Sciences Po Rennes, l’IEP de Rennes, Régions de France, l’INET et la Région Bretagne. Un débat très engagé (avec le chercheur Alistair Cole, la revue Pouvoirs Locaux, le président de l’ADCF, l’ex Ceser Aquitaine, la CFDT et la 27e Région) dans lequel il a été question tout autant des transformations institutionnelles à accomplir pour redonner du souffle à la démocratie (redéfinition du rôle du Sénat, nouvelle gouvernance à l’échelle régional, etc) que des transformations culturelles à réussir pour reconnecter des institutions à bout de souffle avec les réalités des citoyens, par la co-conception et le design des politiques publiques. Un éloge pour une certaine idée d’un nouveau « pragmatisme démocratique » qui n’aurait pas déplu au philosophe Bruno Latour….