La démocratie locale à l’épreuve des communs

Posted on 26 octobre 2015 par Margaux Brinet

Le 6 octobre 2015, Superpublic accueillait un événement, dans le cadre du festival Le Temps des Communs. Il s’agissait dans un premier temps de présenter plusieurs initiatives dans le champ des communs urbains aujourd’hui, puis de débattre sur le sujet « La démocratie locale à l’épreuve des communs ». Retrouvez une émission de France Culture sur les communs ici.

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La soirée était co-organisée avec Sylvia Fredriksson, designer, Frédéric Sultan, membre de l’association Vecam et coordinateur du projet Remix the commons et Nicolas Loubet, startuper, fondateur de Cellabz.

 

Les « communs », juste un mot à la mode ?

Les communs, ce sont « les choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous » d’après l’article 714 du Code Civil. Qu’il s’agisse d’espaces publics, de ressources naturelles ou d’informations et de savoirs, des citoyens s’organisent aujourd’hui pour gérer ces biens communs.
Quel est le rôle des collectivités, des administrations et des élus dans ce contexte de pouvoir partagé avec les citoyens ? Les communs sont-ils une remise en cause ou un renouveau de notre démocratie locale ?

 

Les communs questionnent nos modes de propriété et de gouvernance

On peut décrypter le retour en force des communs comme celui de l’engagement citoyen. Souvent, les communs se rapprochent de l’idée d’autogestion : la population n’est plus passive, elle se prend en main et agit pour changer ses conditions de vie (d’après le livre sur l’autogestion d’Henri Lefebvre dans les années 1960). Pour autant, cette forme d’organisation autogestionnaire est complémentaire des systèmes d’action légaux comme le souligne Guillaume Gourgues. Dans « Repenser les biens communs » (Béatrice Parange et Jacques Saint-Victor), on peut lire que « le droit moderne occidental a fait de la propriété, publique ou privée, la pierre angulaire de tous les rapports entre les personnes et les choses ». Les communs sont emblématiques d’un monde en transition, comme le sont l’économie collaborative et l’économie du partage. Il ne faut pas non plus sous-estimer la place du numérique dans la remise en question du principe de propriété : « Les réseaux [via Internet] facilitent l’émergence de larges communautés distribuées, susceptibles de se mobiliser pour créer et partager les savoirs » comme nous pouvons le lire sur le site du Festival du Temps des Communs.

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Les communs : comment l’élu peut-il s’en emparer et pourquoi ?

Lors de la soirée du 6 octobre, Pauline Véron, adjointe à la Maire de Paris, a présenté le processus de budget participatif : 5% du budget d’investissement de la Ville a été réservé à la mise en oeuvre des projets proposés par les parisiens eux-mêmes via un site internet dédié. Il s’agit là d’un exemple concret de ré-appropriation d’une part de la population parisienne des décisions qui la concernent, sans toutefois remettre en cause radicalement le mode de relations classique entre élus et citoyens.

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Autre témoignage : celui de LabSus, laboratoire pour la subsidiarité en Italie, à l’origine de réglements de collaboration entre citoyens et collectivités locales pour régénérer et faire vivre les biens communs, signés à ce jour par une quarantaine de villes italiennes (la première charte, celle de Bologne, est disponible en Anglais). Ces outils administratifs sont également une tentative de débureaucratisation des processus, pour une collaboration plus directe entre les parties prenantes sur un territoire. Comme Daniela Ciaffi, membre de LabSus, le souligne, il y a une différence notable entre la participation et la collaboration : dans les processus de participation,  l’idée soumise aux citoyens provient des élus, alors que la collaboration suppose de donner aux citoyens une place à part entière dans la conception et le portage des projets. Comme le souligne Emile Hooge, consultant à Nova 7, expert en innovation urbaine, c’est en incluant l’ « amateur » (par opposition aux professionnels tels que les ingénieurs territoriaux ou autre) dans la prise de décision, que l’élu est véritablement questionné. L’élu doit savoir s’effacer, tout comme l’expert, pour laisser place à la voix des citoyens et véritablement co-construire la ville et le territoire autour de la notion de biens communs.

 

Les communs : une vraie porte ouverte à la démocratie participative ? Exemple de projets :

La soirée a démarré avec la présentation de projets autour des biens communs :
Cap (comprendre et agir à Paris) ou pas cap : catalyseur d’initiatives citoyennes, via une plate-forme numérique
CivicWise : plate-forme de co-design qui favorise l’engagement civique et l’urbanisme collaboratif
OSCEDays : CityLab du 11 au 15 juin, événement qui visait à « remixer » la ville par l’économie circulaire
DormoyLabs : un laboratoire local des communs dans le 18e arrondissement de Paris
Point Carré : coopérative et futur tiers-lieu à Saint-Denis
OpenLab Bron Lyon : un open lab installé sur le chantier des Galeries Lafayette de Lyon pour initier des projets urbains collaboratifs
Curry Vavart : collectif pluridisciplinaire qui organise espaces de vie, de création et d’activité partagées, sous forme de squat
la Myne : lieu autogéré abritant les activités de la Paillasse Saône et espace d’expérimentation de projets citoyens innovants
Gare Remix : événement créatif et collaboratif 24 au 26 avril à Lyon. Retrouvez une vidéo de l’événement ici

Ces différentes initiatives entendent promouvoir un modèle de co-création et d’appropriation des enjeux urbains par les citoyens. En poussant les habitants à s’intéresser et à participer, elles leur enseignent une autre forme de pouvoir et de devoir citoyen.

Retrouvez plus de détails sur la présentation de ces initiatives dans le storify de la soirée.

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Elles posent la question de la légitimité démocratique (pour l’instant en France très liée au mandat électif) et du rôle de garant de l’intérêt général que peut (que doit?) continuer à jouer l’acteur public, dans un cadre renouvelé de gouvernance. Se pose aussi la question du lien entre élus et citoyens dans les projets qui ont pour but de préserver ou créer des communs; les projets émergent souvent sans les élus mais doivent trouver in fine une forme de soutien et de légitimité auprès du politique pour aller plus loin ou perdurer …